Les Indes galantes
Opéra-Ballet en un prologue et quatre actes
Livret de Louis Fuzelier
Representé pour la première fois à Paris le 23 août 1735
HÉBÉ
Vous, qui d'Hébé suivez les lois,
Venez, rassemblez-vous, accourez à ma voix!
Vous chantez dès que l'aurore
Éclaire ce beau séjour:
Vous commencez avec le jour
Les jeux brillants de Terpsichore;
Les doux instants que vous donne l'Amour
Vous sont plus chers encore.
HÉBÉ
Amants sûrs de plaire,
Suivez votre ardeur!
Chantez votre bonheur,
Mais sans offenser le mystère!
Il est pour un tendre coeur
Des biens dont le secret augmente la douceur.
Songez qu'il faut les taire!
Air grave pour deux polonais
1er Menuet
2e Menuet
HÉBÉ
Musettes, résonnez dans ce riant bocage,
Accordez-vous sous l'ombrage
Au murmure des ruisseaux,
Accompagnez le doux ramage
Des tendres oiseaux.
CHOEUR
Musettes, résonnez dans ce riant bocage,
Accordez-vous sous l'ombrage
Au murmure des ruisseaux,
Accompagnez le doux ramage
Des tendres oiseaux.
Musette en rondeau
(Bruit de tambours qui interrompt le ballet)
HÉBÉ
Qu'entends-je! Les tambours font taire nos musettes?
C'est Bellone! Ses cris excitent les héros:
Qu'elle va dérober de sujets à Paphos!
BELLONE
(à la suite d'Hébé)
La Gloire vous appelle: écoutez ses trompettes!
Hâtez-vous, armez-vous, et devenez guerriers!
Quittez ces paisibles retraites!
Combattez, il est temps de cueillir des lauriers.
CHOEUR
Les guerriers appellent les amants des nations alliées.
Ces amants généreux se rangent près de Bellone, et suivent les étendards.
La Gloire vous appelle: écoutez ses trompettes!
Hâtez-vous, armez-vous, et devenez guerriers!
Air pour deux guerriers portant les drapeaux
Air pour les amants et amantes qui suivent Bellone
CHOEUR
Vous nous abandonnez.
Quelle peine mortelle!
Que vont devenir nos beaux jours!
Quelle peine mortelle!
Écoutez les Amours.
La Gloire nous appelle,
Nous n'écoutons qu'elle.
HÉBÉ
Bellone les entraîne ...
O toi, vainqueur des Cieux,
Viens prouver ton pouvoir suprême!
On ose te quitter pour suivre d'autres Dieux!
Fils de Vénus, ah! qui peut mieux te venger que toi-même?
HÉBÉ
L'Amour paraît armé, qu'il soit victorieux!
L'AMOUR
Pourquoi Mars à l'Amour déclara-t-il la guerre?
Mars perd-t-il son encens, lorsqu'on vient m'en offrir?
Jamais les myrthes sur la terre
N'ont empêché les lauriers de fleurir.
HÉBÉ
(à l'Amour)
Pour remplacer les coeurs que vous ravit Bellone,
Fils de Vénus, lancez vos traits les plus certains;
Conduisez les plaisirs dans les climats lointains,
Quand l'Europe les abandonne!
L'AMOUR
(à sa suite)
Ranimez vos flambeaux, remplissez vos carquois,
Moisonnez, méritez les palmes les plus belles!
Amours, remportez, à la fois,
Cent victoires nouvelles!
L'horreur suit le terrible Mars;
Les Jeux s'amusent sur vos traces,
Partez, partez, vos nouveaux étendards
Sont l'ouvrage des Grâces.
Air pour les Amours
L'AMOUR ET HÉBÉ
Traversez les plus vastes mers,
Volez, volez, Amours, volez, volez!
Portez vos armes et vos fers
Sur le plus éloigné rivage!
Est-il un coeur dans l'univers
Qui ne vous doive son hommage?
CHOEUR
Les Amours s'envolent pendant le choeur et se dispersent
loin de l'Europe dans les différents climats de l'Inde.
Traversez les plus vastes mers,
Volez, volez, Amours, volez, Amours.
Portez vos armes et vos fers
Sur le plus éloigné rivage!
ÉMILIE
(entrant seule)
C'est Osman qui me suit, ne lui cachons plus rien!
Pour arrêter son feu, découvrons-lui le mien!
OSMAN
(entrant, à Émilie)
Chercherez-vous toujours et l'ombre et le silence!
ÉMILIE
Je voudrais de mes maux cacher la violence.
OSMAN
Ciel! Qu'entends-je!
ÉMILIE
Apprenez mon destin rigoureux!
Dans le séjour témoin de ma naissance
J'épousais un amant digne de ma constance;
Sur un bord solitaire on commençait les jeux,
Lorsque des ravisseurs perfides
S'avancent le fer à la main.
La terreur un instant ferme mes yeux timides,
Ils ne s'ouvrent qu'aux cris d'un corsaire inhumain.
Bientôt les vents et le ciel même,
Complices de son crime, éloignent ses vaisseaux,
Et je me vois captive sur les eaux,
Près de ce que j'abhorre, et loin de ce que j'aime.
OSMAN
Qu'en peignant vos malheurs vous redoublez mes maux!
Dissipez vos ennuis sur cet heureux rivage.
ÉMILIE
J'y subis, sous vos lois, un second esclavage.
OSMAN
Me reprocherez-vous de gêner vos désirs?
L'unique loi qu'ici vous prescit ma tendresse,
C'est de permettre aux plaisirs
De vous y suivre sans cesse.
Répondez à mes voeux, couronnez mes soupirs!
ÉMILIE
Contre mes ravisseurs, ardent à me défendre,
Mon amant a risqué ses jours.
Lorsque, pour prix de son secours,
Peut-être un coup fatal l'a forcé de descendre
Dans l'affreuse nuit de tombeau,
Mon coeur ingrat d'un feu nouveau
Se laisserait surprendre?
OSMAN
Ah! Que me faites-vous entendre?
C'est trop m'accabler par vos pleurs,
Cessez d'entretenir d'inutiles douleurs!
Il faut que l'amour s'envole,
Dès qu'il voit partir l'espoir.
A l'ennui la constance immole
Le coeur qui s'en fait un devoir.
Je vous quitte, belle Émilie.
Songez que le noeud qui vous lie
Vous cause chaque jour des tourments superflus!
Vous aimez un objet que vous ne verrez plus.
ÉMILIE
(Osman sort)
Que je ne verrai plus, barbare! ...
Que me présage ce discours?
Ah! Si de mon amant le trépas me sépare,
Si mes yeux l'ont perdu, mon coeur le voit toujours.
Le Ciel se couvre de nouages sombres, les vents sifflent, les flots s'élèvent.
La nuit couvre les cieux!
Quel funeste ravage!
Vaste empire des mers où triomphe l'horreur,
Vous êtes la terrible image
Du trouble de mon coeur.
Des vents impétueux vous éprouvez la rage,
D'un juste désespoir j'éprouve la fureur.
CHOEUR DES MATELOTS
(qu'on ne voit pas)
La tempête continue avec la même violence.
Ciel! De plus d'une mort nous redoutons les coups!
Serons-nous embrasés par les feux du tonnerre?
Sous les ondes périrons-nous,
À l'aspect de la terre?
ÉMILIE
Que ces cris agitent mes sens!
Moi-même, je me crois victime de l'orage.
La tempête diminue et la clarté revient.
Mais le ciel prend pitié du trouble que je sens,
Le ciel, le juste ciel calme l'onde et les vents.
Je souffrais dans le port les horreurs du naufrage.
CHOEUR
(qu'on ne voit pas)
Que nous sert d'échapper à la fureur des mers?
En évitant la mort nous tombons dans les fers.
ÉMILIE
D'infortunés captifs vont partager nos peines
Dans ce redoutable séjour.
S'ils sont amants, ah! que l'amour
Va redoubler le poids de l'horreur de leurs chaînes!
ÉMILIE
Un de ces malheureux approche en soupirant!
Hélas! Son infortune est semblable à la mienne!
Quel transport confus me surprend?
Parlons-lui! Ma patrie est peut-être la sienne.
(abordant Valère)
Étranger, je vous plains ...
(le reconnaissant)
Ah! Valère, c'est vous!
VALÈRE
C'est vous, belle Émilie!
ÉMILIE, VALÈRE
Je vous revois! Que de malheurs j'oublie!
De mon cruel destin je ne sens plus les coups.
ÉMILIE
Par quel sort aujourd'hui jeté sur cette rive ...
VALÈRE
Depuis l'instant fatal qui nous a séparés,
Dans cet climats divers mes soupirs égarés
Vous cherchent nuit et jour ... je vous trouve captive.
ÉMILIE
Et ce n'est pas encore mon plus cruel malheur.
VALÈRE
O ciel! Achevez.
ÉMILIE
Non, suspendez ma douleur!
De votre sort daignez enfin m'instruire!
VALÈRE
Un maître que je n'ai point vu
Dans ce palais m'a fait conduire ...
ÉMILIE
Votre maître est le mien.
VALÈRE
O bonheur imprévu!
ÉMILIE
Valère, quelle erreur peut ainsi vous séduire!
Mon tyran m'aime ...
VALÈRE
O désespoir! Non, vous ne sortirez jamais de ses fers!
Quoi! Valère ne vous retrouve
Que pour vous perdre sans retour?
Notre Tyran vous aime!
ÉMILIE
Et ma douleur le prouve,
Je ne demandais pas ce triomphe à l'amour.
VALÈRE
Ah! Sait-on vous aimer dans ce fatal séjour!
Sur ces bords une âme enflammée
Partage ses voeux les plus doux,
Et vous méritez d'être aimée
Par un coeur qui n'aime que vous.
OSMAN
(à Valère)
Esclave, je viens de t'entendre,
Ton crime m'est connu.
VALÈRE
Je ne m'en repens pas.
ÉMILIE
(troublée, à Osman)
Seigneur, est-il coupable? Hélas ! ...
OSMAN
(à Émilie)
Vous l'accusez en voulant le défendre.
Vous prétendez en vain cacher votre embarras,
Et retenir les pleurs que je vous vois répandre.
Vous cédez au penchant de votre coeur trop tendre:
Ah! du mien je suivrai les lois,
Je saurai me venger ainsi que je dois.
ÉMILIE
(à Osman)
Le barbare!
VALÈRE
(à Osman)
J'attends l'arrêt de ta colère.
ÉMILIE
(tremblante)
Juste ciel! Quel moment!
OSMAN
(présentant Émilie à Valère)
Reçois de moi, Valère, Émilie et la liberté.
VALÈRE
(gaiment, à Osman)
Que dites-vous? ...
(tristement)
Mais non, peut-il être sincère?
Il veut tromper nos coeurs ... c'est trop de cruauté!
OSMAN
O ciel! Quelle injustice!
Quoi! Vous vous défiez de ma sincérité,
Dans l'instant où mon coeur vous fait le sacrifice
Qui jamais ait le plus coûté?
Mais je le dois à la reconnaissance.
(montrant Valère)
Osman fut son esclave, et s'efforce aujourd'hui
D'imiter sa magnificence,
Dans ce noble sentier, que je suis loin de lui!
Il m'a tiré des fers sans me connaître ...
VALÈRE
(l'embrassant)
Mon cher Osman, c'est vous!
(à Émilie)
Osman était mon maître.
OSMAN
Je vous ai reconnu sans m'offrir à vos yeux;
J'ai fait agir pour vous mon zèle et ma puissance:
Vos vaisseaux sont rentrés sous votre obéissance.
Les vaisseaux de Valère avancent et paraissent chargés des présents du pacha,
portés par des esclaves africains.
VALÈRE
(surpris)
Que vois-je? Ils sont chargés de vos dons précieux!
Que de bienfaits!
OSMAN
Ne comptez que Émilie!
VALÈRE
O triomphe incroyable! O sublime vertu!
ÉMILIE
(à Osman)
Ne craignez pas que je l'oublie!
OSMAN
Estimez moins un coeur qui s'est trop combattu!
On entends les tambourins des Matelots.
(avec douleur)
J'entends vos matelots ...
Allez sur vos rivages,
Mes ordres sont donnés ...
Allez, vivez contents ...
Souvenez-vous d'Osman ...
VALÈRE
(l'arrêtant)
Recevez nos hommages!
ÉMILIE
(à Osman)
Écoutez ...
OSMAN
(hésitant)
Quoi! ... Mais, non!
(s'en allant)
C'est souffrir trop longtemps,
C'est trop à vos regards offrir mon trouble extrême ...
Je vous dois mon absence, et la dois à moi-même.
VALÈRE
Fut-il jamais un coeur plus généreux?
Digne de notre éloge, il ne veut pas l'entendre ...
Au plus parfait bonheur il a droit de prétendre,
Si la vertu peut rendre heureux.
ÉMILIE, VALÈRE
Volez, Zéphyrs, tendres amants de Flore!
Si vous nous conduisez, tous nos voeux sont remplis,
Rivages fortunés de l'empire des Lys,
Ah! nous vous reverrons encore.
CHOEUR
Volez, Zéphyrs, tendres amants de Flore!
Si vous nous conduisez, tous nos voeux sont remplis.
Air pour les esclaves africains
VALÈRE
Hâtez-vous de vous embarquer,
Jeunes coeurs, volez à Cythère!
Sur cette flotte téméraire
On ne peut jamais trop risquer.
ÉMILIE
Régnez, Amour, ne craignez point les flots!
Vous trouverez sur l'onde un aussi doux repos
Que sous les myrthes de Cythère.
Ne craignez point les flots!
Ils ont donné le jour à votre aimable mère.
1er Rigaudon
2e Rigaudon
ÉMILIE
Fuyez, vents orageux!
Calmez les flots amoureux, Ris et jeux!
Charmant Plaisir, fais notre sort
Dans la route comme au port!
Si, quittant le rivage,
La raison fait naufrage,
Thétis, dans ce beau jour,
N'en sert que mieux l'Amour.
1er Tambourin
2e Tambourin
ÉMILIE
Partez! On languit sur le rivage,
Tendres coeurs, embarquez-vous!
CHOEUR
Partez! On languit sur le rivage,
Tendres coeurs, embarquez-vous!
ÉMILIE
Voguez! Bravez les vents et l'orage!
Que l'espoir vous guide tous!
CHOEUR
Partez! On languit sur le rivage,
Tendres coeurs, embarquez-vous!
CARLOS
Vous devez bannir de votre âme
La criminelle erreur qui séduit les Incas.
Vous l'avez promis à ma flamme.
Pourquoi différez-vous? Non, vous ne m'aimez pas ...
PHANI
Que vous pénétrez mal mon secret embarras!
Quel injuste soupçon! ... Quoi! Sans inquiétude,
Brise-t-on à la fois
Les liens du sang et des lois?
Excusez mon incertitude!
CARLOS
Dans un culte fatal, qui peut vous arrêter?
PHANI
Ne croyez point, Carlos, que ma raison balance!
Mais de nos fiers Incas je crains la violence ...
CARLOS
Ah! Pouvez-vous les redouter?
PHANI
Sur ces monts, leurs derniers asiles,
La fête du Soleil va les ressembler tous ...
CARLOS
Du trouble de leurs jeux, que ne profitons-nous?
PHANI
Ils observent mes pas ...
CARLOS
Leurs soins sont inutiles,
Si vous m'acceptez pour époux.
PHANI
Carlos, allez, pressez ce moment favorable,
Délivrez-moi d'un séjour détestable!
Mais ne venez pas seul ... Quel funeste malheur!
Si votre mort ... Le peuple est barbare, implacable,
Et quelquefois le nombre accable
La plus intrépide valeur;
Ciel!
CARLOS
Pouviez-vous être alarmée?
Oubliez-vous que dans ces lieux
Un seul de nos guerriers triomphe d'une armée?
PHANI
Je sais vos exploits glorieux,
Et qu'à votre courage il n'est rien d'impossible.
Cependant, cher Carlos, empruntez du secours!
CARLOS
Que craignez-vous?
PHANI
Hélas! Je suis sensible;
Lorsque l'on aime, on craint toujours.
PHANI
Viens, hymen, viens m'unir au vainqueur que j'adore!
Forme tes noeuds, enchaîne-moi!
Dans ces tendres instants où ma flamme t'implore,
L'amour même n'est pas plus aimable que toi.
HUASCAR
(à part)
Elle est seule ... parlons! L'instant est favorable ...
Mais je crains d'un rival l'obstacle redoutable.
Parlons au nom des Dieux pour surprendre son coeur!
Tout ce que dit l'Amour est toujours pardonnable,
Et le ciel que je sers doit servir mon ardeur.
(à Phani)
Le dieu de nos climats dans ce beau jour m'inspire.
Princesse, le soleil daigne veiller sur vous,
Et lui-même dans notre empire,
Il prétend par ma voix vous nommer un époux.
Vous frémissez ... D'où vient que votre coeur soupire?
Obéissons sans balancer
Lorsque le ciel commande!
Nous ne pouvons trop nous presser
D'accorder ce qu'il nous demande;
Y réfléchir, c'est l'offenser.
PHANI
Non, non, je ne crois pas tout ce que l'on assure
En attestant les cieux;
C'est souvent l'imposture
Qui parle au nom des Dieux.
HUASCAR
Pour les Dieux et pour moi, quelle coupable injure!
Je sais ce qui produit votre incrédulité,
C'est l'amour! Dans votre âme, il est seul écouté!
PHANI
L'amour! Que croyez-vous?
HUASCAR
Oui, vous aimez, perfide,
Un de nos vainqueurs inhumains.
Ciel! Mettras-tu toujours tes armes dans leurs mains?
PHANI
Redoutez le Dieu qui les guide!
HUASCAR
C'est l'or qu'avec empressement,
Sans jamais s'assouvir, ces barbares dévorent.
L'or qui de nos autels ne fait que l'ornement
Est le seul Dieu que nos tyrans adorent.
PHANI
Téméraire! Que dites-vous!
Révérez leur puissance, et craignez leur courroux.
Pour leur obtenir vos hommages,
Faut-il des miracles nouveaux?
Vous avez vu, de nos rivages,
Leurs villes voler sur les eaux;
Vous avez vu, dans l'horreur de la guerre,
Leur invincible bras disposer du tonnerre ...
HUASCAR
(à part)
On vient, dissimulons mes transports à leurs yeux!
(à l'Inca qu'il appelle)
Vous savez mon projet. Allez, qu'on m'obéisse ...
(à part)
Je n'ai donc plus pour moi qu'un barbare artifice,
Qui de flamme et de sang inondera ces lieux.
Mais que ne risque point un amour furieux?
HUASCAR
Soleil, on a détruit tes superbes asiles,
Il ne te reste plus de temple que nos coeurs.
Daigne nous écouter dans ces déserts tranquilles!
Le zèle est pour les Dieux le plus cher des honneurs.
Prélude pour l'adoration du Soleil
Les Pallas et Incas font leur adoration au Soleil.
HUASCAR
Brillant soleil, jamais nos yeux, dans ta carrière,
N'ont vu tomber de noirs frimas,
Et tu répands dans nos climats
Ta plus éclatante lumière.
Air des Incas pour la dévotion du Soleil
Danse de Péruviens et de Péruviennes
HUASCAR
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Ressentent tes bienfaits!
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Te doivent leurs attraits!
CHOEUR
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Ressentent tes bienfaits!
Clair flambeau du monde,
L'air, la terre et l'onde
Te doivent leurs attraits!
HUASCAR
Par toi dans nos champs tout abonde.
Nous ne pouvons compter les biens que tu nous fais.
Chantons-les seulement! Que l'écho nous réponde!
Que ton nom dans nos bois retentisse à jamais!
Tu laisses l'univers dans une nuit profonde,
Lorsque tu disparais;
Et nos yeux, en perdant ta lumière féconde,
Perdent tous leurs plaisirs; la beauté perd ses traits.
Loure en rondeau
HUASCAR
Permettez, astre du jour,
Qu'en chantant vos feux nous chantions d'autres flammes
Partagez, astre du jour,
L'encens de nos âmes
Avec le tendre amour.
Le soleil, en guidant nos pas,
Répand ses appâts
Dans les routes qu'il pare.
Raison, quand malgré tes soins,
L'amour nous égare,
Nous plaît-il moins?
Vous brillez, astre du jour,
Vous charmez nos yeux par l'éclat de vos flammes!
Vous brillez, astre du jour! L'astre de nos âmes,
C'est le tendre amour.
De nos bois chassez la tristesse,
Régnez-y sans cesse, Dieux de nos coeurs!
De la nuit le coile sombre
Sur vos attraits n'étend jamais son ombre;
Tous les temps, aimables vainqueurs,
Sont marqués par vos faveurs.
On danse, et la fête est troublée par un tremblement de terre.
1ère Gavotte
2e Gavotte en Rondeau
Tremblement de terre
CHOEUR
Dans les abîmes de la terre,
Les vents se déclarent la guerre.
L'air s'obscurcit, le tremblement redouble,
le volcan s'allume et jette par tourbillons du feu et de la fumée.
CHOEUR
Les rochers embrasés s'élancent dans les airs,
Et portent jusqu'aux cieux les flammes des enfers.
L'épouvante saisit les Péruviens, l'assemblée se disperse.
Huascar arrête Phani. Le tremblement de terre semble s'apaiser.
HUASCAR
(à Phani qui traverse le théâtre en s'enfuyant)
Arrêtez! Par ces feux le ciel vient de m'apprendre
Qu'à son arrêt il faut vous rendre,
Et l'hymen ...
PHANI
Qu'allez-vous encore me révéler?
O jour funeste! Dois-je croire
Que le ciel, jaloux de sa gloire,
Ne s'explique aux humains qu'en les faisant trembler?
HUASCAR
(l'arrêtant encore)
Vous fuyez, quand les Dieux daignent vous appeler!
Eh bien! cruelle, eh bien! vous allez me connaître.
Suivez l'amour jaloux!
PHANI
(se reculant)
Ton crime ose paraître!
HUASCAR
Que l'on est criminel lorsque l'on ne plaît pas!
Du moins en me suivant évitez le trépas! ...
Ici je vois partout l'affreuse mort suivie
D'un redoutable embrasement.
Chaque instant peut de votre vie
Devenir le dernier moment.
HUASCAR
(à Phani)
Quoi! Plus que le péril mon amour vous étonne?
C'est trop me résister ...
PHANI
O ciel, entends mes voeux!
HUASCAR
C'est aux miens qu'il vous abandonne.
CARLOS
(arrivant sur Huascar un poignard à la main)
Tu t'abuses, barbare!
PHANI
Ah! Carlos! Je frisonne.
Le soleil jusqu'au fond des antres les plus creux
Vient d'allumer la terre, et son courroux présage ...
CARLOS
Princesse, quelle erreur!
C'est le ciel qu'elle outrage.
Cet embrasement dangereux
Du soleil n'est point l'ouvrage,
Il est celui de sa rage.
Un seul rocher jeté dans ces gouffres affreux,
Y réveillant l'ardeur de ces terribles feux,
Suffit pour exciter un si fatal ravage.
Le perfide espérait vous tromper dans ce jour,
Et que votre terreur servirait son amour.
Sur ces monts mes guerriers punissent ses complices,
Ils vont trouver dans ces noirs précipices
Des tombeaux dignes d'eux.
(à Huascar)
Mais il te faut de plus cruels supplices.
(à Phani)
Accordez votre main à son rival heureux,
C'est là son châtiment!
HUASCAR
Ciel! Qu'il est rigoureux.
PHANI, CARLOS
Pour jamais, l'amour nous engage.
Non, non, rien n'est égal à ma félicité.
Ah! Mon coeur a bien mérité
Le sort qu'avec vous il partage.
HUASCAR
Non, non, rien n'égale ma rage.
Je suis témoin de leur félicité.
Faut-il que mon coeur irrité
Ne puisse être vengé d'un si cruel outrage?
HUASCAR
La flamme se rallume encore,
Loin de l'éviter, je l'implore ...
Abîmes embrasés, j'ai trahi les autels.
Exercez l'emploi du tonnerre,
Vengez les droits des immortels,
Déchirez le sein de la terre
Sous mes pas chancelants!
Renversez, dispersez ces arides montagnes,
Lancez vos feux dans ces tristes campagnes,
Tombez sur moi, rochers brûlants.
Le volcan vomit des rochers enflammés qui écrasent le criminel Huascar.
ALI
(à part)
Mon abord paraît l'interdire ...
(haut)
Étrangère, approchez!
Portez-vous dans ces lieux,
De ces ouvrages curieux
Qu'imagine l'Europe et que l'Asie admire?
TACMAS
(levant son voile)
Ton prince déguisé se présente à tes yeux.
Dans tes jardins l'amour m'attire...
ALI
Quelle heureuse beauté? ...
TACMAS
C'est la jeune Zaïre
Qui m'a frappé d'un trait victorieux.
ALI
Zaïre, mon esclave?
TACMAS
Elle est ma souveraine.
Ali, je viens briser sa chaîne;
Mais, hélas! n'est-ce point te trahir que l'aimer?
ALI
Seigneur, Zaïre est belle et n'a pu m'enflammer;
Je respectais vos feux, sans les connaître encore!
Mais, quoi, vous possédez Fatime et ses appâts!
Non, rien n'est si charmant ...
TACMAS
Cher Ali, je l'ignore.
Fatime à mes regards ne se présente pas.
ALI
(à part)
Il m'est permis enfin de brûler pour Fatime,
Et de lui révéler le secret de mes voeux.
TACMAS
Je réserve à Zaïre un honneur légitime,
J'égalerai sa gloire à l'excès de mes feux.
L'objet à qui je rends les armes
Mérite un destin éclatant:
L'amour gardait ses charmes,
Pour instruire mon coeur du prix d'un feu constant.
ALI
Pourquoi vous déguiser à l'aimable Zaïre,
Quand vous lui promettez le plus parfait bonheur?
TACMAS
Je veux pénétrer dans son coeur,
Avant que dans le mien ses beaux yeux puissent lire
L'excès de ma nouvelle ardeur.
ALI
Dans ce jour où des fleurs nous célébrons la fête,
Des myrthes les plus doux vous serez couronné.
TACMAS
Je vois Zaïre. Va! des jeux que l'on apprête
Embellis, s'il se peut, l'appareil ordonné!
TACMAS
(à part)
Elle paraît livrée à quelque inquiétude ...
Cachons-nous! Découvrons ce qui la fait souffrir!
Quelquefois la solitude
Engage un coeur à s'ouvrir.
ZAÏRE
Amour, Amour, quand du destin j'éprouve la rigueur,
La tienne seulement me fait verser des larmes.
Ma faiblesse aujourd'hui redouble mon malheur,
Et cependant, hélas! elle a pour moi des charmes!
ZAÏRE
(sans voir Tacmas)
Quoi, Zaïre ose aimer!
TACMAS
(à part)
Quel funeste secret vient-elle de m'apprendre?
Mais contraignons un transport indescret!
Le nom de mon rival reste encore à surprendre.
(à Zaïre)
Belle esclave, je viens vous offrir mon secours.
Vous aimez ... à mes soins, confiez vos amours!
ZAÏRE
Peut-on aimer dans l'esclavage?
C'est en augmenter la rigueur.
Le plaisir fuit un coeur
Que la fortune outrage.
TACMAS
On doit aimer dans l'esclavage,
C'est en adoucir la rigueur.
Le plaisir dédommage un coeur
Que la fortune outrage.
ZAÏRE
Cessez ce vain discours!
TACMAS
(la retenant)
Pardonnez à mon zèle ...
Attendez ... accordez du moins quelques moments
À des tableaux où l'art excelle!
(à part, se fouillant)
Montrons-lui mon portrait!
Dans ces regards charmants,
Je pourrai, sans soupçon, lire ses sentiments.
(à Zaïre, lui montrant le portrait)
Voyez cette peinture!
ZAÏRE
(interdite)
Ah! que me montrez-vous?
(à part)
Je ne l'ai que trop vu.
TACMAS
(à part)
Ciel! quel affreux augure!
Mon portrait semble attirer son courroux ...
Et j'entends son coeur qui soupire ...
Elle forme des voeux ... Un autre les inspire!
Qui peut-être l'objet de mes transports jaloux?
TACMAS
Que vois-je? C'est le téméraire.
Son embarras décèle un amant déguisé.
(à Zaïre qui sort)
Zaïre, où fuyez-vous?
FATIME
(arrêtant Tacmas)
Demeurez, étrangère!
Votre secours m'est nécessaire;
À mes ardent désirs sera-t-il refusé?
TACMAS
(à part)
Suspendons un instant ma trop juste vengeance,
Et pour fixer leur châtiment,
Sachons jusqu'où leurs coeurs étaient d'intelligence!
(à Fatime)
Parlez-moi sans déguisement!
Comptez pour vous servir sur mon empressement!
FATIME
Dans ces jardins l'amour m'appelle,
Peut-on résister à sa voix?
Le cher objet qui me tient sous ses lois
Ignore mon ardeur fidèle,
Je viens lui déclarer mon choix.
Dans ces jardins l'amour m'appelle,
Peut-on résister à sa voix?
Soulagez ma peine cruelle!
Hélas! pour obéir au dangereux amour
Je risque de perdre le jour.
(à Tacmas)
Puisque de ces beaux lieux vous connaissez le maître,
Vous savez qu'un coeur tendre en peut être charmé!
TACMAS
(à part, considérant Fatime)
Il craint que de Zaïre Ali ne soit aimé.
Il est jaloux, bientôt il se fera connaître.
Des périls qu'il court dans ces lieux
Il ne sait pas le plus terrible ...
Il voit sans défiance un rival furieux,
Il le fait confident de son coeur trop sensible?
TACMAS
(à Fatime)
Achevez, nommez-vous!
FATIME
(hésitant)
Je suis ...
TACMAS
Vous balancez!
ALI
(au fond du théâtre, amenant Zaïre)
Venez, belle Zaïre! Approchez, et cessez
De fuir la plus brillante gloire!
De vos divins appâts apprenez la victoire!
TACMAS
Apprends toi-même, Ali, mon déplorable sort!
Un rival jusqu'ici m'offense.
(Tacmas montre à Ali, Fatime, et tire son poignard pour frapper cette amante déguisée.)
Vois le perfide et ma vengeance!
FATIME
(reconnaît le Prince et se jette à ses genoux)
C'est le Prince, frappez! Je mérite la mort;
Mais, en me punissant, connaissez mieux mon crime!
ALI
(reconnaissant Fatime)
O ciel, c'est l'aimable Fatime!
(à Tacmas)
Ah! Seigneur!
TACMAS
(souriant à Ali)
J'entends ce transport.
ALI
(à Tacmas)
Que la clémence vous désarme!
Je vous conjure au nom de l'objet qui vous charme.
TACMAS
Au beau nom de Zaïre on ne refuse rien;
(levant son voile)
Mais qu'accordera-t-elle au mien?
Pourra-t-elle me voir, si mon portrait l'alarme?
ZAÏRE
(à Tacmas)
Que vous expliquez mal le trouble de mon coeur!
Ne s'alarme-t-on pas en voyant son vainqueur?
Deviez-vous vous méprendre
À mes sens agités?
Un trouble que vous excitez
Ne peut être que tendre.
TACMAS
(à Zaïre)
Je prétends que l'hymen vous assure ma foi.
Non, rien ne doit borner les transports de mon âme.
ZAÏRE
Pour justifier votre flamme, Seigneur, je sors du sang d'un roi.
TACMAS
Je n'ai pas attendu, trop aimable Princesse,
L'aveu de votre rang pour croire ma tendresse.
(à Fatime et Ali)
Je veux que tout ici soit heureux comme moi.
Ali, je t'accorde Fatime,
Son déguisement t'exprime
L'ardeur qu'elle sent pour toi.
FATIME, ALI
Ah! Seigneur, quel moment! Quel bonheur je vous dois!
Que de plaisirs ensemble un si beau jour amène!
TACMAS, ZAÏRE, FATIME, ALI
Tendre amour, que pour nous ta chaîne
Dure à jamais!
Prélude
Annonce de la Fête des Fleurs
TACMAS
(à Zaïre)
On vient ... Voyez les jeux, augmentez leurs attraits!
La Fête des Fleurs. La ferme s'ouvre; alors tout le théâtre représente des berceaux illuminés et décorés de guirlandes et de pots de fleurs. Des symphonistes et des esclaves chantants sont distribués dans des balcons et des feuillages. D'aimables odalisques de diverses nations de l'Asie portent dans leurs habits les fleurs les plus belles: l'une a pour parure la rose; l'autre, la jonquille; enfin toutes se singularisent par des fleurs différentes. |
Marche
CHOEUR
Dans le sein de Thétis précipitez vos feux,
Fuyez, astre du jour, laissez régner les ombres!
Nuit, étendez vos voiles sombres!
Vos tranquilles moments favorisent nos jeux.
TACMAS
(à Zaïre)
L'éclat des roses les plus belles
Disparaît bientôt avec elles;
En vain sur ce bord fortuné,
À chaque instant il en naît d'autres,
Il est moins orné par leurs attraits que par les vôtres.
ZAÏRE
Triomphez, agréables fleurs!
Répandez vos parfums,
Ranimez vos couleurs!
CHOEUR
Triomphez, agréables fleurs!
Répandez vos parfums,
Ranimez vos couleurs!
ZAÏRE
C'est parmi vous qu'Amour cache sous la verdure
Ses feux les plus ardents, ses plus aimables traits.
Le printemps vous doit ses attraits,
Vous parez la saison qui pare la nature.
Vous tenez le rang suprême
Sur le bord de nos ruisseaux;
Et vous embellissez, dans les jours les plus beaux,
La beauté même.
CHOEUR
Triomphez, agréables fleurs!
Répandez vos parfums,
Ranimez vos couleurs!
1er Air pour les Persans
2e Air pour les Persans
FATIME
Papillon inconstant,
Vole dans ce bocage!
Arrête-toi,
Suspends le cours
De ta flamme volage!
Jamais si belles fleurs, sous ce naissant ombrage,
N'ont mérité de fixer tes amours.
Ballet des Fleurs Ce ballet représente pittoresquement le sort des Fleurs dans un jardin. On les a personnifiées ainsi que Borée, les Aquilons et Zéphire, pour donner de l'âme à cette peinture galante, exécutée par d'aimables esclaves de l'un et l'autre sexe. D'abord les Fleurs choisis qui peuvent briller davantage au théâtre dansent ensemble et forment un parterre qui varie à chaque instant. La Rose, leur reine, danse seule. La fête est interrompue par un orage qu'amène Borée; les Fleurs en éprouvent de la colère; la Rose résiste plus longtemps à l'ennemi qui la persécute: les pas de Borée expriment son impétuosité et sa fureur; les attitudes de la Rose peignent sa douceur et ses craintes. Zéphire arrive avec la clarté renaissante; il ranime et relève les Fleurs abattues par la tempête, et termine leur triomphe et le sien par les hommages que sa tendresse rend à la Rose. |
1er Air pour les Fleurs
2e Air pour les Fleurs
Gavotte en rondeau
Orage
Air pour Borée
1er Air pour Zéphire
2e Air pour Zéphire
Air pour les Fleurs
Gavotte
Le théâtre représente un bosquet d'une forêt de l'Amérique, voisine des colonies françaises et espagnoles où doit se célébrer la cérémonie du Grand Calumet de la Paix. |
ADARIO
Nos guerriers, par mon ordre unis à nos vainqueurs,
Vont ici de la paix célébrer les douceurs;
Mon coeur seul dans ces lieux trouve encor des alarmes.
Je vois deux étrangers illustres par les armes,
Épris de l'objet de mes voeux;
Je crains leurs soupirs dangereux,
Et que leur sort brillant pour Zima n'ait des charmes.
Rivaux de mes exploits, rivaux de mes a ours,
Hélas! dois-je toujours
Vous céder la victoire?
Ne paraissez-vous dans nos bois
Que pour triompher à la fois
De ma tendresse et de ma gloire?
(apercevant ses rivaux)
Ciel! Ils cherchent Zima ... voudrait-elle changer?
Cachons-nous ... apprenons ce que je dois en croire!
Sachons et si je dois et sur qui me venger!
Il se cache à l'entrée de la forêt et les observe.
ALVAR
Damon, quelle vaine espérance
Sur les pas de Zima vous attache aujourd'hui?
Vous outragez l'amour, et vous comptez sur lui!
Croyez-vous ses faveurs le prix de l'inconstance?
DAMON
L'inconstance ne doit blesser
Que les attraits qu'on abandonne.
Non, le fils de Vénus ne peut pas s'offenser
Lorsque nous recevons tous les traits qu'il nous donne.
Un coeur qui change chaque jour,
Chaque jour fait pour lui des conquêtes nouvelles,
Les fidèles amants font la gloire des belles,
Mais les amants légers font celle de l'amour.
Dan sces lieux fortunés c'est ainsi que l'on pense;
De la tyrannique constance
Les coeurs n'y suivent point les lois.
ALVAR
(apercevant Zima)
Tout les prescrit au mien ...
C'est Zima que je vois!
ALVAR
(à Zima)
Ne puis-je vous fléchir par ma persévérance?
DAMON
(à Zima)
Ne vous lassez-vous point de votre indifférence?
ZIMA
Vous aspirez tous deux à mériter mon choix;
Apprenez que l'amour sait plaire dans nos bois!
Nous suivons sur nos bord l'innocente nature,
Et nous n'aimons que d'un amour sans art.
Notre bouche et nos yeux ignorent l'imposture;
Sous cette riante verdure,
S'il éclate un soupir, s'il échappe un regard,
C'est du coeur qu'il part.
DAMON, ALVAR
Vous décidez pour moi; j'obtiens votre suffrage.
Ah! Quel heureux instant!
ALVAR
La nature qui seule attire votre hommage
Nous dit qu'il faut être constant.
DAMON
Elle prouve à nos yeux qu'il faut être volage.
La terre, les cieux et les mers
Nous offrent tour à tour cent spectacles divers;
Les plus beaux jours entr'eux ont de la différence;
N'est-il défendu qu'à nos coeurs
De goûter les douceurs
Que verse partout l'inconstance?
(à Zima)
Voilà vos sentiments ... dans vos sages climats
L'inconstance n'est point un crime.
ZIMA
Non, mais vous oubliez, ou vous ne savez pas
Dans quel temps l'inconstance est pour nous légitime.
Le choeur change à son gré dans cet heureux séjour;
Parmi nos amants, c'est l'usage
De ne pas contraindre l'amour;
Mais dès que l'hymen nous engage,
Le choeur ne change plus dans cet heureux séjour.
ALVAR
(montrant Damon)
L'habitant des bords de la Seine
N'est jamais moins arrêté
Que lorsque l'hymen l'enchaîne;
Il se fait un gonneur de sa légèreté;
Et pour l'épouse la plus belle
Il rougirait d'être fidèle.
DAMON
(montrant Alvar)
Les époux les plus soupçonneux
Du Tage habitent les rives,
Là, mille beautés plaitives
Reçoivent de l'hymen des fers et non des noeuds;
Vous ne voyez jamais autour de ces captives
Voltiger les Ris et les Jeux.
Belle Zima, craignez un si triste esclavage!
ALVAR
(à Zima)
Cédez, cédez enfin à mes soins empressés!
ZIMA
Je ne veux d'un époux ni jaloux ni volage.
(à l'espagnol)
Vous aimez trop,
(au français)
Et vous, vous n'aimez pas assez.
ALVAR
Que vois-je?
ZIMA
C'est l'amant que mon coeur vous préfère.
ALVAR
(les apercevant)
Osez-vous prononcer un arrêt di fatal!
ZIMA
Dans nos forêts on est sincère.
ALVAR
(montrant Adario)
Je saurai m'immoler un odieux rival.
ADARIO
(fièrement, à Alvar)
Je craignais ton amour, je crains peu ta colère.
ALVAR
(l'arrêtant)
C'en est trop ...
DAMON
(arrêtant Alvar)
Arrêtez ...
ALVAR
(surpris)
Damon, y pensez-vous?
Quoi, c'est vous qui prenez contre moi sa défense?
DAMON
(à Alvar)
J'ai trop protégé l'inconstance
Pour ne pas m'opposer à l'injuste courroux
Qui vous est inspiré par la persévérance.
On entend un prélude qui annonce la fête.
DAMON
Déjà, dans les bois d'alentour,
J'entends de nos guerriers les bruyantes trompettes.
Leur sons n'effrayent plus ces aimables retraites;
Des charmes de la paix ils marquent le retour.
(à Alvar)
À vos tristes regrets dérobez ce beau jour!
Que le plaisir avec nous vous arrête!
ALVAR
(s'éloignant)
Hélas! Je vais chercher un malheureux amour.
DAMON
(le suivant)
Venez plutôt l'amuser à la fête!
ADARIO
Je ne vous peindrai point les transports de mon coeur,
Belle Zima, jugez-en par le vôtre!
En comblant mon bonheur
Vous montrez qu'une égale ardeur
Nous enflamme l'un et l'autre.
ZIMA
De l'amour le plus tendre éprouvez la douceur!
Je vous dois la préférence.
De vous à vos rivaux je vois la différence:
L'un s'abandonne à la fureur,
Et l'autre perd mon coeur avec indifférence.
Nous ignorons ce calme et cette violence.
Sur nos bords l'amour vole et prévient nos désirs.
Dans notre paisible retraite
On n'entend murmurer que l'onde et les zéphirs;
Jamais l'écho n'y répète
De regrets ni de soupirs.
ADARIO
Viens, hymen, hâte-toi, suis l'amour qui t'appelle.
ZIMA, ADARIO
Hymen, viens nous unir d'une chaîne éternelle!
Viens encore de la paix embellir les beaux jours!
Viens! Je te promets d'être fidèle.
Tu sais nous enchaîner et nous plaire toujours.
Viens! Je te promets d'être fidèle.
Zima, Adario, Françaises en habits d'amazones, guerriers français et sauvages, sauvagesses, bergers de la colonie. |
ADARIO
(aux savages)
Bannissons les tristes alarmes!
Nos vainqueurs nous rendent la paix.
Partageons leurs plaisirs, ne craignons plus leurs armes!
Sur nos tranquilles bords qu'Amour seul à jamais
Fasse briller ses feux, vienne lancer ses traits!
CHOEUR DES SAUVAGES
Bannissons les tristes alarmes!
Nos vainqueurs nous rendent la paix.
Partageons leurs plaisirs, ne craignons plus leurs armes!
Sur nos tranquilles bords qu'Amour seul à jamais
Fasse briller ses feux, vienne lancer ses traits!
Danse du Grand Calumet de la Paix, exécutée par les Sauvages.
Rondeau
ZIMA, ADARIO
Forêts paisibles,
Jamais un vain désir ne trouble ici nos coeurs.
S'ils sont sensibles,
Fortune, ce n'est pas au prix de tes faveurs.
CHOEUR DES SAUVAGES
Forêts paisibles,
Jamais un vain désir ne trouble ici nos coeurs.
S'ils sont sensibles,
Fortune, ce n'est pas au prix de tes faveurs.
ZIMA, ADARIO
Dans nos retraites,
Grandeur, ne viens jamais
Offrir tes faux attraits!
Ciel, tu les as faites
Pour l'innocence et pour la paix.
Jouissons dans nos asiles,
Jouissons des biens tranquilles!
Ah! peut-on être heureux,
Quand on forme d'autres voeux?
1er Menuet pour les Guerriers et les Amazones
2e Menuet
Prélude
ZIMA
Régnez, plaisirs et jeux! Triomphez dans nos bois!
Nous n'y connaissons que vos lois.
Tout ce qui blesse
La tendresse
Est ignoré dans nos ardeurs.
La nature qui fit nos coeurs
Prend soin de les guider sans cesse.
Chaconne
Originally input by Pothárn Imre imruska@freemail.hu